Niko Pirosmani fait aujourd’hui figure de symbole de l’art géorgien. Autodidacte, vagabond, marginal mais lucide et ô combien populaire, il a peint la vie géorgienne telle qu’il la voyait au quotidien. Aujourd’hui, de nombreux amateurs d’art géorgien travaillent pour faire connaître des artistes comme Niko Pirosmani, ou d’autres moins connus, au public occidental. Nous vous proposons de découvrir dans cet article le parcours de cet artiste naïf atypique, qui a connu la gloire une fois disparu.
Un début de vie placé sous le signe de la pauvreté
Nikolos Pirosmanachvili, plus connu sous le nom de Niko Pirosmani, est né le 5 mai 1862 dans la province géorgienne de Kakhétie, à Mirzaani. Son père, Aslan Pirosmanashvili, était un fermier pauvre, et sa mère, Tekle Toklikishvili, tissait des tapis. Orphelin à l’âge de seulement 8 ans, il fut apparemment recueilli par une famille d’accueil à Tiflis, avant d’être confié au peintre Bachidjaguian auprès de qui il suivit quelques cours. Son amour de l’art vient alors de naître, et Pirosmani continue son apprentissage seul, en parfait autodidacte. En 1872, il habite un tout petit appartement, à deux pas de la gare de Tbilissi, et travaille comme domestique auprès de riches familles. Tour à tour berger, commerçant de produits laitiers, peintre en bâtiment, employé des chemins de fer, il multiplie les emplois pour survivre, et poursuit malgré tout sa passion : la peinture.
Les débuts de Pirosmani dans la peinture
Niko Pirosmani ouvre en 1882 un atelier de peinture, avec un autre autodidacte, George Zaziashvili. Il réalise essentiellement des enseignes pour les commerces, notamment les tavernes de Tbilissi. Mais l’artiste réalise également des portraits et des natures pour des commandes. Il doit malgré tout continuer à multiplier les petits métiers, l’artiste vivra dans la pauvreté. Il a d’ailleurs bien souvent vécu comme un nomade marginal, il réalise ainsi des toiles pour les tavernes contre le gîte et le couvert, mais le plus souvent pour son propre bonheur.
Pirosmani est alors à l’époque considéré comme « hors du monde », par sa solitude, sa vie au jour le jour, son univers. Il reste toutefois un homme du peule, qui connaît au cours de sa vie de nombreux échecs. Son succès ne viendra d’ailleurs après sa mort, mais aussi au travers d’une anecdote amoureuse qui le lie à une célèbre actrice française de l’époque, Marguerite de Sèvres. Fou amoureux d’elle, l’artiste n’était pas avare de démonstrations, jusqu’à s’agenouiller et embrasser le sol où l’actrice passait. Il alla même, d’après la légende, jusqu’à vendre tous ses biens pour acheter toutes les fleurs de la ville à l’occasion de l’anniversaire de l’actrice, suite à quoi sa muse lui offrit son premier et dernier baiser. Il est à noter que cette femme est d’ailleurs devenue l’une des toiles les plus célèbres de Pirosmani, « Actress Margarita », et l’histoire romantique est également devenue une chanson, « Million Scarlet Roses » chantée par la russe Alla Pugacheva.
Pirosmani décède finalement de la grippe à 55 ans, affaibli par la malnutrition et une insuffisance hépatique.
Les caractéristiques de la peinture de Pirosmani
Les œuvres de Pirosmani sont célèbres pour leur luminosité. L’artiste est en effet reconnu pour faire ressortir les couleurs de manière éclatante. Il faut à ce sujet savoir que Pirosmani choisissait de peindre sur des toiles cirées noires, généralement utilisées pour les capotes des fiacres). Il appréciait en effet de s’exercer sur ce support brillant et souple qui n’avait pas besoin d’apprêt. Cette matière durable a largement contribué à la conservation de ses œuvres, mais l’artiste n’hésitait pas non plus à varier les supports. Il a ainsi également exercé son art sur des assiettes, du carton, et parfois des toiles classiques.
Pirosmani est considéré comme un peintre naïf. Il réalise des peintures sans profondeur, ni perspective, en représentant ses personnages de manière frontale et bien souvent sans expression. Le spectateur est alors face à une œuvre dépouillée, simple, modeste, qui met directement en avant le sujet. Pirosmani se sert des scènes de la vie quotidienne, offrant une vision populaire mais moderne de la Géorgie. Ses peintures sont toutefois le reflet de certaines problématiques d’une société en pleine mutation, faisant face à un passé rural et à une modernité sous domination russe. On peut à ce titre évoquer sa célèbre toile Millionnaire sans enfant et une femme pauvre bénie par ses enfants, une œuvre virulente qui représente l’achat d’un bébé par une famille riche à une femme pauvre.
Niko Pirosmani a également beaucoup représenté des animaux, pour lesquels il s’attèle à faire transparaître la nature de manière animée, de sorte à ce que le spectateur ait un sentiment de vie, et non uniquement d’une représentation purement physique. L’artiste veillait à toujours exprimer une vision générale de la nature, sans originalité. On retrouve la terre, le ciel, une vision volontairement archaïque.
Artiste populaire par excellence, Pirosmani possédait le talent de créer des œuvres non conventionnelles pourtant issues de la réalité géorgienne. Il était profondément ancré dans son pays natal, qu’il mettait à l’honneur afin de transmettre une culture riche.
Une reconnaissance nationale puis internationale de l’artiste populaire géorgien
Niko Pirosmani est l’artiste géorgien de référence. Il est d’ailleurs pour la petite anecdote représenté sur les billets de banque géorgiens de 1 Lari.
Si sa vie a été empreinte de pauvreté, sa reconnaissance par ses pairs aura bien lieu. Le musée national de Géorgie a ainsi présenté une centaine de ses tableaux à l’occasion d’une exposition en 1929.
A partir des années 1960, cette reconnaissance prend une dimension internationale. Le musée des Arts Décoratifs de Paris organise à son tour une exposition en 1969, puis le musée des Beaux-Arts de Nantes en 1999, ou encore la Kunsthaus de Zurich en 1995. Il est également possible de découvrir quelques copies de ses toiles ainsi que son petit appartement vers la gare au sein du musée Niko Pirosmanachvili.