“Décision historique”, tels étaient les mots utilisés par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat le mercredi 12 avril 2023. Ces termes étaient pour qualifier la décision parlementaire de retoquer Boris Ravignon de la tête de l’Ademe. Effectivement, depuis la mise en place de cette procédure de consultation parlementaire dans l’article 13 de la Constitution en 2008, c’est la première fois qu’un candidat proposé par le Président De la République n’est pas confirmé au poste par le parlement. Qui est Boris Ravignon ? Pourquoi cette déconvenue ? Voici quelques réponses !
Boris Ravignon : un parcours professionnel exceptionnel
Un véritable ardennais dans le sang
C’est à Charleville-Mézières dans les Ardennes que Boris Ravignon a poussé son premier cri le 30 novembre 1975. Il grandit dans sa ville natale dans laquelle il passe une bonne partie de sa jeunesse. Après avoir eu son bac, il poursuit des études supérieures loin de chez lui.
Dans cette perspective, il s’inscrit notamment à l’Ecole supérieure des sciences économiques et commerciales (ESSEC) en 1998. Quatre ans plus tard, tout juste diplômé, il se présente au concours de l’ENA et parvient à être admis en décrochant même la 5ème position des 52 places disponibles. Il y fait de brillantes études au point d’être parmi les meilleurs de sa promotion nommée Copernic.
Par la suite, le jeune homme effectue un service militaire dans l’Armée de Terre. Il se consacre partiellement à la comptabilité analytique et au parachutisme avant d’entrer dans le monde du travail. C’est ainsi que Boris Ravignon a pu devenir un véritable inspecteur des finances.
À Bercy, en 2004, il fait la connaissance de deux personnes qui vont marquer sa vie politique : Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron. Le premier nommé est à l’époque ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie pendant le troisième gouvernement Raffarin. Le deuxième, quant à lui, est son confrère dans l’inspection des finances.
Une approche politique penchée vers la droite
Boris Ravignon rejoint le parti politique UMP plus tard. Sa première campagne électorale date d’ailleurs de 2004. Il figure sur la liste de Jean-Claude Etienne et de Bérengère Poletti pour les élections régionales de Champagne-Ardennes. Cela a évidemment contribué à son ascension dans le monde politique.
En 2005, après avoir pris ses fonctions à la place Beauvau, Nicolas Sarkozy lui offre le poste de conseiller technique au Cabinet chargé des études et de la prospective au sein de son ministère. Il intègre ainsi une place lui permettant d’élargir son réseau et ses compétences dans ce milieu.
Plus tard, lors de la campagne présidentielle 2007, Boris Ravignon est l’un des fervents militants du candidat UMP. Une fois élu, le nouveau Président de la République le nomme conseiller chargé du développement durable, des transports de l’aménagement du territoire et de la ville à l’Elysée. Dans le cadre de sa fonction, il a travaillé entre autres avec Jean-Louis Borloo sur le Grenelle de L’environnement.
L’année 2008 marque le retour de Boris Ravignon aux élections. Il s’engage dans la campagne municipale de Charleville-Mézières aux côtés de Bérengère Poletti. Il y deviendra un élu conseiller municipal UMP.
En outre, il se présente aux élections cantonales dans le canton Charleville-La Houillère. Il sera de nouveau élu, au second tour, en tant que conseiller général UMP avant de devenir vice-président du Conseil général des Ardennes par la suite.
Une concrétisation en tant que maire de Charleville Mézières
En mars 2014, Boris Ravignon est candidat à l’élection municipale de Charleville-Mézières. Il figure en tête de liste d’une liste d’ouverture UMP-MODEM-UDI-société civile. Après les suffrages, sa liste arrive en tête au premier tour avec 46,71% des voix. Celle-ci remporte ensuite l’élection au second tour avec 54,93% des votes.
Le 4 avril 2014, lors du Conseil municipal, Boris Ravignon devient officiellement maire de Charleville-Mézières. C’est la première fois depuis 1966 que la commune échappe au parti de gauche. Le 16 avril 2014, il est élu président de la Communauté d’agglomération Ardenne Métropole.
Lors des élections municipales 2020, Boris Ravignon est reconduit dans ces deux fonctions. Il devient, par la même occasion, le maire d’une préfecture qui est la mieux élue de France. Il arrive également à se présenter au poste de Vice-Président du conseil régional du Grand-Est.
Bien entendu, toutes ces casquettes l’ont aidé à gagner en compétences et en réseau de partenaires. Malheureusement, cela présente également des inconvénients, notamment auprès de ses confrères. Le plus marquant se tourne évidemment vers son poste au sein de l’Ademe, qui va vite devenir problématique.
L’intégration de l’Ademe de la discorde
Une entrée en jeu loin d’être unanime
Nommé en 2018 président de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) pour cinq ans, Arnaud Leroy démissionne en juin 2022. La décision est prise un an avant la fin de son mandat. S’ensuit alors des présidents intérimaires, à savoir Patrick Lavarde, puis Boris Ravignon.
C’est en début de décembre 2022 que le Président Emmanuel Macron a proposé le nom de ce dernier pour prendre les rênes de cette entité. Le 14 décembre 2022, Boris Ravignon est auditionné par les parlementaires et y a développé les axes de ses priorités en arrivant à la tête de l’Ademe. Le vote qui s’ensuit lui est alors défavorable.
Cela ne l’a toutefois pas empêché de devenir le premier responsable de cette agence. En effet, le vote n’a pas rassemblé les deux-tiers des voix nécessaires pour le retoquer. Il n’y avait que 16 voix contre et 10 pour au Sénat et 19 contre et 17 pour à l’Assemblée nationale.
Boris Ravignon est alors officiellement nommé président-directeur général de l’Ademe lors du Conseil des ministres, le 22 décembre 2022. Interrogé par un journaliste de chez France Bleu Champagne, l’intéressé a reconnu que ce n’était pas tout à fait une surprise. D’après lui, il en avait déjà eu l’occasion d’en parler avec le Chef de l’Etat.
Une position nettement contestée par les parlementaires
Suite à cette nomination, Boris Ravignon démissionne de son poste de conseiller régional tout en gardant son fauteuil de premier magistrat de la ville de Charleville-Mézière. C’est toutefois ce que les parlementaires lui ont reproché. Ces derniers craignent qu’il ne soit pas capable de mener à bien les deux casquettes.
Le nouveau président de l’Ademe, qui est ouvertement pronucléaire, défend cependant cette décision et argumente sur la situation. Selon lui, son principal objectif est de trouver des solutions idéales face aux multiples contraintes de la transition écologique. Le fait de rester maire, dit-il, lui sera donc utile à l’accomplissement de ses missions.
Tout a commencé à basculer le 14 février 2023 suite à un renouvellement du conseil d’administration de l’Ademe. La nomination de Boris Ravignon a dû alors de nouveau être soumise au vote des parlementaires. C’est ainsi que le mercredi 12 avril 2023, pour la seconde fois, celui-ci se présente en audition devant le Parlement.
Après la prise de parole de Boris Ravignon devant les parlementaires, l’avenir de ce dernier a été scellé. Il a reçu 57 voix contre et 32 pour. Les trois cinquièmes des votes (Sénat et Assemblée nationale) se sont alors exprimés contre sa reconduction au poste. De plus, le quota nécessaire, selon la Constitution, pour s’opposer à sa nomination a été atteint.
Une issue de vote fatale pour Boris Ravignon
Le 12 avril 2023, les parlementaires ont encore reproché à l’intéressé son refus de démissionner de son poste de maire après sa première nomination à l’Ademe. Boris Ravignon avait fait valoir l’intérêt de rester en contact avec le terrain. Cependant, cela n’a pas vraiment convaincu les élus, même si c’était légal et était déjà arrivé dans le passé.
Ainsi, le problème s’était tourné par le fait que certains sénateurs et députés n’acceptaient le cumul des mandats. Boris Ravignon affirme toutefois que le véritable problème était son soutien à Emmanuel Macron. Il ajoute que les votants en sa défaveur ne le connaissaient même pas, mais se sont positionnés sous l’influence de leur chef de groupe.
Suite à cette désillusion, l’ancien chef de l’Ademe va donc retourner à son fauteuil de maire de Charleville Mézières de 47 000 âmes et de l’agglomération de plus de 121 160 habitants. Il va alors s’occuper de la commune à temps plein et dédier tous ses efforts au bien-être de la ville.
Cet échec ne manque cependant pas à marquer cet homme exceptionnel. En effet, d’après lui, son engagement envers l’Ademe était sincère. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il était investi, organisé et a pris différentes décisions à la fois personnelles et professionnelles afin de pouvoir tout concilier.Il ne reste plus qu’à savoir qui va succéder Boris Ravignon à la tête de l’Ademe. Le président de la République française, Emmanuel Macron, devrait proposer rapidement un nouveau nom au Parlement. Cette tâche reste difficile au vu de la déclaration du sénat à la suite de l’éviction de Boris Ravignon hier. D’après les élus, la situation reflète simplement un mécontentement des deux chambres. Le Président doit ainsi réussir à les satisfaire.